ANOSMIE: QUAND L’ODORAT S’EN VA

On n’a jamais autant parlé de l’odorat. Sa perte est en effet un symptôme très fréquent de la covid-19. Comment fonctionne ce sens? Pourquoi le perd-on? Quels sont les traitements contre l’anosmie? Éléments de réponse avec la docteur pauline jaballah vinckenbosch, spécialiste en orl et chirurgie cervico-faciale.

Détecter un danger, traquer une proie, trouver un partenaire: l’odorat est indispensable à la survie de nombreux animaux. Chez les êtres humains, il est surtout associé à la perception d’odeurs agréables et à la dégustation des aliments. Même si sa perte n’est pas perçue comme un handicap, contrairement à celle de la vue ou de l’ouïe, l’odorat n’en demeure pas moins un sens important. L’anosmie peut ainsi avoir des conséquences majeures sur la qualité de vie de ceux qui en souffrent. On estime que 15% de la population générale souffre de troubles de l’odorat. La Docteur Pauline Jaballah Vinckenbosch consacre une partie importante de son activité aux affections du nez, et prend notamment en charge des patients atteints de troubles de l’olfaction. Vous vous posez des questions sur l’odorat? Voici son éclairage en sept points.
1. Les fonctions du nezImportant pour l’esthétique du visage, le nez est surtout une structure complexe assurant plusieurs fonctions essentielles: filtrer les particules, humidifier et réchauffer l’air inspiré. Le nez est également l’organe clé impliqué dans l’odorat.
2. L’odoratLa muqueuse olfactive se trouve dans la partie supérieure des fosses nasales. Lorsqu’une odeur pénètre dans le nez, elle stimule les récepteurs situés dans cette muqueuse. Via la lame criblée, celle-ci va envoyer ces informations au bulbe olfactif, qui se trouve dans la partie frontale du cerveau, immédiatement au-dessus du nez. Au-delà de l’odeur, l’olfaction dite rétro-nasale joue aussi un rôle dans la perception de la saveur des aliments. Le goût stricto sensu ne recouvre en effet que le salé, le sucré, l’amer, l’acide et l’umami. À noter que le nerf trijumeau intervient aussi dans l’olfaction: c’est lui qui donne la «texture» de l’odeur, notamment les sensations de fraîcheur (par exemple, la menthe) ou d’irritation de la substance (par exemple, l’ammoniac).
3. Les troubles de l’odoratLe système olfactif peut être perturbé de plusieurs façons. Quantitativement, avec soit une diminution, soit une perte complète de l’odorat: on parle respectivement d’hyposmie et d’anosmie. L’atteinte peut également être qualitative. On parle ainsi de parosmie en cas de distorsion de l’odeur vers une autre odeur, généralement désagréable. Et lorsque l’on sent quelque chose malgré l’absence réelle d’odeur, on parle de fantosmie.

4. Les causes de l’anosmie

Les causes sont multiples et, dans certains cas, l’origine n’est pas trouvée. Les causes les plus fréquentes sont les problèmes rhinosinusiens ; lors d’un rhume, par exemple, le nez est bouché, l’air ne passe plus, et donc l’odeur non plus. Un autre exemple est la rhinosinusite chronique avec polypes; cette maladie inflammatoire va en quelque sorte «boucher» la zone de l’olfaction. L’origine de l’anosmie peut aussi être post-infectieuse (comme dans le cas de la Covid-19), les virus pouvant en effet entraîner une destruction de la muqueuse olfactive. L’anosmie peut également survenir après un traumatisme crânien. Plus rarement, elle se rencontre dans des maladies neurologiques comme la maladie d’Alzheimer ou de Parkinson. L’origine peut être aussi tumorale. Citons enfin les anosmies congénitales incurables, notamment le syndrome de Kallmann, dans lequel le bulbe olfactif est absent à la naissance.

5. Les conséquences de l’anosmie

Le principal danger est de ne pas pouvoir sentir le feu ou une fuite de gaz. On conseille d’ailleurs aux patients souffrant d’anosmie d’installer des détecteurs de fumée. Évidemment, impossible non plus pour eux de reconnaître un aliment avarié. Mais le plus grand risque lorsque l’on perd l’odorat est l’impact sur le moral, sur le plaisir de manger ou encore sur la libido. On note d’ailleurs davantage de dépressions chez les anosmiques.

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6. Les traitements de l’anosmie

Le diagnostic est posé grâce à une anamnèse et à une endoscopie nasale pratiquée au cabinet de l’ORL. Dans certains cas, une imagerie par IRM cérébrale peut être demandée. L’examen chez l’ORL permet notamment d’évaluer la présence de polypes ou d’une tumeur dans la fosse nasale, et de constater l’inflammation de la muqueuse. Les éventuels polypes peuvent être traités avec de la cortisone ou retirés de façon chirurgicale. En cas d’inflammation de la muqueuse, un traitement de cortisone peut également être prescrit. On recommande par la suite une rééducation olfactive, c’est-à-dire un entraînement de l’odorat. Dans ce protocole imaginé bien avant l’épidémie de Covid-19 par le professeur allemand Thomas Hummel, on utilise quatre odeurs de base, à partir d’huiles essentielles de clou de girofle, d’eucalyptus, de citron et de rose. Le café et la menthe ont été ajoutés depuis. On recommande de s’entraîner pendant cinq minutes, deux fois par jour, afin de sentir et de reconnaître ces six odeurs très caractéristiques*.

7. Le cas particulier de l’anosmie liée à la Covid-19

Ce virus entraîne parfois une destruction de la muqueuse olfactive. Dans la plupart des cas, les malades retrouvent l’odorat dans les deux semaines. À défaut, on conseille de commencer sans tarder une rééducation olfactive et de consulter un ORL afin de s’assurer que l’anosmie n’a pas une autre origine.

Dre Pauline Jaballah

Anosmie : Quand l'odorat s'en va, ORL PULLY